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Dans le cadre du mouvement en faveur de la restauration du moulin de Gignac, des amateurs de théâtre ont créé la "Compagnie du moulin à... paroles" et monté une pièce sur le thème du meurtre ayant été commis en 1920 sur le site dudit moulin.
Cette pièce, "Mourir pour un moulin à vent" est inspirée des minutes du procès d'assises retrouvées dans les archives du Lot par Robert Vayssié. Le texte est de Jacqueline et Didier Leclère, avec l'aide de Robert Vayssié et de Michel Brousse pour les répliques en patois. La mise en scène est de Jacqueline Leclère.
Les personnages nous montrent une image de la vie dans le Lot dans les années 1920. Vie un peu perturbante avec un humour qui redonne du piment aux critiques de la justice selon Jean de La Fontaine et à ses paroles d'une vérité éternelle :
"Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir".
La soirée a été pour beaucoup d'entre nous un moment de plaisir, grâce au comique engendré par la situation, par les caractères, et par les mots mêmes des acteurs. On se retrouve pour une bonne heure plongés dans une société avec des mœurs et un langage différents des nôtres aujourd'hui, mais qui étaient ceux de la plupart de nos ancêtres. Nous sommes partagés entre le rire et le pardon. L'humour nous permet de prendre du recul sur la situation de l'époque, tout en nous divertissant et en faisant renaître des souvenirs antérieurs.
Les acteurs se sont présentés, à juste titre, comme des descendants de Molière. Au temps de Molière, en effet, la comédie en France consistait surtout en des jeux de scène et des clowneries relevant de la farce. Bien que le comique forme un tout, nous y avons eu droit sans excès : le fusil de Latreille, l'accusé ; les magistrats qui lèvent les mains , apeurés ; le bégaiement d'un témoin et le mimétisme du président et du procureur ; le baron de Cressensac qui use et abuse du "n'est-ce pas " ; les fantaisies verbales associant le français et le patois proche de l'occitan... C'est la forme la plus naturelle et la plus spontanée du comique. La plus ancienne aussi. Un rire irrépressible naît de ces facéties.
On pense aussi aux sourires excessifs et figés lancés par les témoins, appelés à la barre, aux jurés que nous étions. Ils caricaturent la maladresse des humbles, et la relation entre les maîtres et les valets : c'est sur cet effet de contraste que repose une des formes les plus traditionnelles du comique. Le rire jaillit de cette opposition qui est, dans ce cas précis, doublée d'un anachronisme qui nous ramène à nos propres dilemmes et à nos problèmes actuels dans le domaine du travail et de l'opposition entre le privé et le public.
La mise en scène semble même ajouter un aspect qui touche à la parodie politique, et le rire jaillit d'allusions contemporaines en connivence avec le public. Lorsque dans sa plaidoirie finale l'avocat nous adresse avec emphase un " "Il a tué ? Et alors !!!", nous nous retrouvons devant l'idée et l'image d'une société durablement malade...
La soirée a attiré un large public dans notre village, et a suscité des réactions souriantes et plutôt généreuses pour une prestation très appréciée. Elle s'est prolongée de manière conviviale autour d'un verre avec des échanges fructueux, enrichis de réflexions sur ce meurtre d'un marginal, d'un vagabond, qui devient plus que banal. Une banalité qui renvoie à la xénophobie et à quelque chose qui y ressemble, qui naît de simples potins, de la peur de l'autre et de toutes les différences...
Danièle Vayssié et Didier Leclère
Il y a eu 220 entrées samedi soir et 150 dimanche après-midi...
Photos Louise-Marie Le Bris, Philippe Darnault et Robert Vayssié