Vicissitudes religieuses pendant la Révolution
En 1794 à Saint-Bonnet
Saint-Bonnet devient Seu-Bonnet
Comme les saints sont bannis, Saint-Bonnet change de nom le 25 ventôse An II et s'appelle Seu-Bonnet.
Le Conseil Général et le Comité de surveillance ayant délibéré, ils ont tout unanimement convenu et arrêté (…) qu’attendu que le nom de Saint que la présente commune portait est un nom fanatique et proscrit, elle le change en celui de Seu Bonnet.
Fait à Seubonnet le dit jour…
L’église devient Temple de la Raison. On trouve dans les archives des indications comme celle-ci : Aujourd’hui 26 nivôse de l’an II de la République une et indivisible, la commune de Saint-Bonnet assemblée dans le temple de la Raison, ci-devant église du lieu, …
Au fil des ans on trouvera dans les archives Seu-Bonnet, Sen Bonnet, Sen Bonet, Seubonnet. L’ancien toponyme réapparaîtra le 9 nivose de l’An V (29 décembre 1796).
L’église débarrassée des objets du culte
Le 8ème jour germinal an II, l’agent général déclare : « Vous savez que je me suis rendu au district de Seucérés suivant l’ordre que j’en avais reçu de l’administration au 23 ventôse dernier. L’administration dudit Saint Céré m’a donné l’ordre de faire remettre toute l’argenterie et meuble d’église de notre commune à ladite administration dans les délais de la décade tout au plus. En conséquence je vous exhorte à obéir dans le plus (bref) délai audit ordre et de faire transporter les dits effets par mains sûres et d’en rapporter reçu à la commune. »
Sur quoi le Conseil Général ayant délibéré a unanimement convenu qu’il partira demain 9 germinal un exprès de ladite commune qui apportera et remettra à l’administration du district les objets suivants :
un calice avec sa patère, un ciboire avec sa couverture aussi d’argent, et un soleil, un petit ciboire, le tout d’argent présent avec le sac où tout est renfermé, 2 livres six onces.
Ledit sac a été achevé et rempli de corporaux purificatoires et autres petits linges d’église. Lequel sac sera cacheté de cire rouge, plus deux aubes, surplis, 2 nappes, 6 chasubles de différentes couleurs avec leurs suites, 2 manteaux pluvials dont un de noir et généralement tout ce qui s’est trouvé de meubles d’église.
En conséquence le Conseil général a nommé le citoyen Jacques Albiat, secrétaire du Comité de surveillance, et Pierre Vergne, aussi membre du Comité de surveillance de la présente commune, qui se chargent de remettre à l’administration du district de Seuserrés ladit argenterie, linge, ornements et autres effets d’église, et qu’ils partiront demain 9 germinal.
Quant aux livres, statues, images et autres simulacres d’église, le Conseil général ajourne à après-demain jour de décade pour livrer le tout aux flammes et détruire tous les signes de fanatisme qui se trouveraient encore sur les murs de ladite église et ailleurs.
Le 10e décadi
Aujourd’hui 10ème germinal, tous les tableaux, images, statues et tous autres objets d’église ont été livrés aux flammes en présence du peuple, et les autres signes de fanatisme ont été détruits.
Trois ouvrages ont tout de même échappé à cet autodafé. Ces trois livres sont conservés dans les Archives municipales.
1) Graduale cadurcense, recueil de chants grégoriens, 1774, publié avec l'autorisation du roi, édité avec l'accord de Joseph de Cheylus, évêque de Cahors (document recouvert avec un parchemin du Moyen-Âge comportant un chant grégorien),
2) Graduale cadurcense, 1774,
3) Antiphonarium cadurcense, 1774.
Graduale cadurcense (1774) ayant échappé à l’autodafé du 10 germinal de l’An II
17 germinal
L’agent national a délibéré qu’il devait nommer 2 commissaires pour porter au district de Seucerrés 4 chandeliers de cuivre jaune, une croix de cuivre. Le conseil général nomme le citoyen Bordes, agent national, et Chambon, secrétaire.
Lectures publiques et fêtes patriotiques
Aujourd’hui première décade de messidor de l’an II de la République une et indivisible, le conseil général de la dite commune assemblé et tenant sa séance, il a été fait lecture des différents décrets arrivés en présence d’un grand nombre de citoyens et citoyennes de la présente commune. Finalement il a été fait lecture pour la troisième fois du rapport de Robespierre et du décret sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains et sur les fêtes nationales, chaque décade que la lecture a été faite tous les citoyens et citoyennes de la commune se sont livrés à la jouer en chantant des hymnes nationaux et chansons d’allégresse.
Profanation d'Arbres de la Liberté
Les troubles religieux de 1795-1796 s'accompagnent de la profanation d'arbres de la Liberté. L'Arbre de la Liberté était planté dans les bourgs, mais aussi dans les hameaux, comme à La Blénie. Les habitants de La Blénie avaient planté un arbre que Joseph Veges, métayer, a coupé le 11 mai 1796. Arrêté, inculpé, interrogé, il déclare que l'orage, au début de janvier (sic) a fait tomber la moitié de l'arbre, l'autre moitié menaçait de tomber, alors il l'a arraché, mais il offre de planter un autre arbre. Le 20 mai 1796, Veges est remis en liberté.
Et que deviennent les curés ?
Le curé de Gignac, Pierre Blanchès, né à Montcabrier, refuse de prêter le serment à la République prescrit par les lois du 26 décembre 1790, 17 avril 1791 et 3 septembre 1792. Emprisonné d’abord à Cahors, il est ensuite transporté par bateau jusqu’à Bordeaux (en 1793 ou 1794), puis interné à la citadelle de Blaye réservée aux prêtres réfractaires.
En 1793 Pierre Lieurade prête serment ainsi que le curé de Saint-Bonnet, Jean Lafaurie. Jean Lafaurie, vicaire régent de Saint-Bonnet, avait remplacé son oncle le 1er juin 1786. Ces Lafaurie étaient de Mayrac.
Elie Barre, prêtre de Gignac, abdique en 1793 et se marie la même année.
L’église de Gignac et celle de Saint-Bonnet deviennent Temples de la Raison.
Mort d’un prêtre
La tradition orale situe à cette période l’inhumation d’un prêtre près de Laspaux. Au début du XXème siècle, lors de l’empierrement du nouveau chemin qui conduisait au Mas del Pech, on a voulu prendre les pierres dans un cheyrou qui avait les apparences d’un tumulus, et des ossements humains ont été mis à jour. Le maire de l’époque, Jean-Louis Bordes, agriculteur au Mas Del Pech, fait arrêter les travaux. Les cailloux sont pris ailleurs et le site laissé en l’état.
La cave du curé
A La Sotte, le calvaire est démonté et caché. Il sera reconstitué après la Révolution et existe toujours.
Huguette Delmas a découvert, lors de travaux de restauration, la cache de curés réfractaires : "J’ai une seconde cave qui a été comblée, et il paraît que le souterrain de la Farinerie venait jusque chez moi. C’est un petit peu loin, ça paraît étonnant. Quand nous avons fait arranger une pièce à l’autre extrémité de la maison, la moitié de la pièce était pavée avec des pavés en pierre. Les maçons sont venus, ces pierres branlaient un petit peu, et ça s’est effondré. Il y avait un dicton dans la maison que connaissait très bien la belle-mère de Mme Goillon ; quand les enfants n’étaient pas très sages, mon père aussi, les parents leur disaient : « Si tu n’es pas sage, on te mettra dans la cave du curé !"
Jusque-là, on n’avait pas eu d’explication sur ce qu’était cette cave du curé. C’est quand ces pierres se sont effondrées qu’on a compris. Ça existe toujours, j’ai laissé une trappe, on descend dans une espèce de caveau où il y a une grande pierre comme une table ronde avec de petites pierres autour. Après, on a trouvé de vieux papiers et dans notre famille il y avait des prêtres sous la Révolution qui avaient été cachés, des prêtres réfractaires qui n’avaient pas voulu s’expatrier, qui étaient restés, qui s’étaient cachés. Un de mes anciens disait à un grand-père de madame Labarade de Laspaux : « Piérou, si tu dis quelque chose, je te couperai la langue ! » (l’arrière-grand-père de Léonie, belle-mère de madame Goillon, était le domestique privé de mon arrière-grand-père).
Mes ancêtres étaient officiers de la Vicomté de Turenne. Ma grand-mère descendait des Vergne et j’ai un parchemin en vieux français qui nommait les Vergne «Patriciens pour bons et loyaux services rendus à leur Seigneur et à leur Eglise » (Témoignage d’Huguette Delmas, de la Sotte).
Destruction de cloches
A Gignac, pendant la Révolution, la troisième cloche (la plus petite) a été fondue pour la fabrication de canons.
A Saint-Bonnet, le 20 germinal, affiche de publication pour la démolition des cloches de l’église de la présente commune.