De profondes mutations au XXe siècle
Dans le domaine agricole, les transformations ont été nombreuses et importantes pendant le XXème siècle. C’est une véritable métamorphose qu’a connu le monde rural, en particulier pendant la période 1950-1970.
Dans le bourg de Gignac en 1933
1933 dans le bourg
L'âne d'Antoine Vergnes vers 1950
Les domestiques
Jusqu’en 1925, beaucoup d’enfants devenaient bergers ou domestiques. Voici le témoignage de Ferdinand Vergnes du Masset :
Ferdinand Vergnes (96 ans)
J’ai quitté l’école à 10 ans, j’ai été domestique à Caran, dans la maison aux pigeonniers. Vous voulez que je vous dise mon salaire ? je gagnais une toison de mouton sale que ma mère lavait et essuyait, une paire de sabots que Faurel du Chabournac me faisait, un hectolitre de blé, c’est tout, et des torgnoles plus que j’en voulais. Je gardais les moutons et puis les dindons. Je devais faire la sieste, j’allais sous les arbres, j’avais dégôté dans la maison de Caran un feuilleton de La Dépêche : c’était le Comte de Monte Cristo. Je lisais ça en cachette au lieu de faire la sieste. Un jour le patron est venu :
- Dis donc, si on t’envoie te reposer, c’est pas pour lire !
- Il me prend le journal, il le fout en l’air. J’étais vexé. Trois ou quatre jours après je me suis endormi pendant que je gardais et les moutons sont arrivés à la maison sans le pâtre, sans moi. Quand je suis arrivé, les moutons étaient rentrés, j’ai pris une avoinée formidable, ça m’a traumatisé complètement.
Après la guerre de 14, son fils est revenu de la guerre. Ils avaient acheté une jument de l’armée. Ils ont voulu la ferrer à côté de l’étable. Le père Saury me dit :
- Tu feras attention que la truie ne sorte pas, elle ferait peur au cheval !
Manque de pot, il ne ferme pas la porte en s’en allant, j’avais pas vu qu’il avait pas fermé la porte en s’en allant, la truie est sortie et le cheval a eu peur, il s’est emballé. Il est parti dans les champs et le vieux est venu. Il a pris une fourche, il m’a foutu un coup de fourche sur le cou. Moi je suis parti au Masset en pleurant. J’ai dit : tu vas pas arriver trop tôt parce que ton père va t’engueuler, j’ai passé toute la journée dans les bois, c’était au mois de novembre. Quand je suis arrivé au Masset, j’ai expliqué mon cas et mon père m’a dit :
- Demain tu iras chercher tes affaires, tu reviendras à la maison.
Je suis revenu à l’école pendant 2 ans. M. Simbille m’a repris en mains, j’ai pu récupérer le retard que j’avais pris, j’ai pas le Certificat, rien du tout , quoi !
Après j’ai cassé de la pierre sur les routes, j’ai travaillé sur la voie, je suis rentré mousse dans une entreprise de réfection des voies. En 26 je suis monté à Paris, j’ai travaillé dans un « légumes cuits ».
Battages avec la première locomobile Millot (avant 1904, plaque photographique)
Photo réalisée par le notaire de Gignac
Caractéristiques techniques :
Chaudière à foyer cylindrique vertical
Capacité en eau (service) : 700 l environ
Surface de chauffe : 11,8 m2
Timbrée à : 8 bars
Température de la vapeur à 8 bars : 170°
Moteur Mono cylindre à double effet
Diamètre du piston 190 mm course 24 mm
Alimentation en eau de la chaudière par pompe, commandée par la crosse de piston.
Puissance effective 14 CV-140 tours/minute
Poids en ordre de marche environ 3800Kg
Année de construction 1893
Voici une photo prise en 1937, près du bourg :
Les familles Faurel et Vitrac/Minard venaient d'acheter en commun une lieuse. Une grande première à Gignac immortalisée par cette photo.
Sur la machine, avec le chapeau : Félix Vitrac, avec la casquette : Edouard Minard.
Devant la lieuse, de gauche à droite, Marcel Crozat (avec le bâton), Albert Villepontoux, Marcel Faurel et ???
Avant dernier, à droite : André Faurel
D'autres familles avaient fait de même (familles Francès et Soulié). Dans les deux cas la lieuse était tirée par des boeufs. Les familles Vayssié (Chazal) et Pestourie s'étaient également associées pour acheter une moisonneuse-lieuse, tirée cette fois par deux chevaux. Après la guerre la moissonneuse Vayssié-Pestourie a été adaptée pour être tirée par un tracteur acheté en commun par les familles Faurel (Lac Ferrier), Vayssié (Chazal) et Pestourie. Le trio a fonctionné quelques années comme une entreprise sur Gignac, Estivals et Nadaillac.
En 1956 l'attelage a été modifié et le tracteur a remplacé les deux chevaux
Une "baoussière" avant 1914
Cette assemblage des gerbes a perduré jusqu'à l'apparition de la moissonneuse-batteuse vers 1970. Jusqu'à cette date les gerbes étaient entassées dans la cour de la ferme sous la forme d'une "meule" en attendant qu'arrive la batteuse :
Création de syndicats et mutuelles
1922 : Création de l’Union Coopérative de Gignac
1925 : Création du Premier Syndicat Agricole de Battage de Gignac (Président : François Lapeyre, vice-président : Emmanuel Magne, Secrétaire : Dublanche, Trésorier : Paul Delmas).
Témoignage de Fernand Chalvet (35 ans de battages, prisonnier pendant 5 ans dans une ferme, en Allemagne, de 1939 à 1944): « C’est Lapeyre de Madrange qui avait monté ce syndicat, avec des cotisations. Au début, c’est le père Liébus du Mas Rougier qui menait le Fordson et la batteuse. 110 adhérents jusqu’au Fraysset, Reyrevigne, Muzet… Le plus gros plongeon de tous les temps, c’était chez Faurel de Reyrevigne (une journée de travail). Il fallait être 17 ou 18 personnes pour faire tourner la machine. Le Fordson tournait au pétrole, au départ. Il avait été acheté neuf à Brive. Plus tard il a fallu mettre des pneus parce que ça abîmait la route. »
Battages vers 1922 (photo sur plaque de verre)
puis ci-dessous l'un des derniers battages à Coudonnet (entreprise Baptiste Pascal)
1928 : Création du Syndicat Agricole de Battage des Genestes
1932-1933 : Création du Syndicat Agricole de Battage de Gignac
1937 : Création de la Mutuelle-Bétail de la région de Gignac
1942 : Création d’un Syndicat corporatif
20 juillet 1950 : Ouverture d’une caisse locale d'Assurances Mutuelles Agricoles contre l'Incendie de Gignac
1950 : Caisse locale d'Assurance Mutuelle Agricole contre les Accidents de Gignac (statuts et liste des administrateurs conservés aux Archives Municipales)
En 1942
En 1954
1965 : création d'une CUMA
Ensilage en 1965
Il s’agit du premier ensilage réalisé dans le Lot par Gaston Pestourie, Pierre Gay, Jean-Baptiste Champagnac et Guy Picard qui avaient monté une CUMA.
De profondes mutations
Diminution du nombre d'exploitations et augmentation des surfaces cultivées
L'étude comparative des recensements agricoles 1979-1988-2000 et des données antérieures permettent de formuler un certain nombre de remarques significatives.
En 1892, 70% des exploitations ont moins d'un hectare, 22 % ont de 1 à 5 hectares.
Gignac s'inscrit depuis 1918 dans le mouvement général de forte diminution du nombre d'exploitations, suite au flux continu de migration de l’espace rural vers l’espace urbain.
Le mouvement continu de migration interne, des campagnes vers les villes, s’accentue pendant les années 1950 et 1960. Au début des années 1970 il reste moins de 100 exploitations agricoles. De 1979 à 2000, le nombre d'exploitations passe de 93 à 53, et seuls dix chefs d'exploitation (ou co-exploitants) ont moins de 40 ans en 2000. Parallèlement, et pendant la même période 1979-2000, la superficie moyenne d'une exploitation est passée de 14 ha à 27 ha. Ce double mouvement inverse s'est fortement accentué au cours de la dernière décennie du XXe siècle. Pendant cette même période, Gignac connaît également une nette augmentation de la surface exploitée.
Cultures et cheptel
On constate de grands changements dans les cultures mises en œuvre : les cultures fourragères sont en très forte hausse (+28 % en 20 ans) alors que les cultures traditionnelles (céréales, vignes) sont en très forte baisse.
Le couvert végétal de Gignac est donc en train de se transformer, et cela d'autant plus que les bois et forêts (1882 ha en 1979) ne représentent plus que 941 ha, c'est-à-dire le quart de la superficie totale de la commune.
Recensements agricoles | ||
---|---|---|
1892 | 1932 | |
Terres labourables | 543 ha | 430 ha |
Prés, herbages, pâturages | 132 ha | 950 ha |
Vignes | 1 ha | 20 ha |
Cultures diverses | 467 ha | 220 ha |
Bois et forêts | 2000 ha | 1765 ha |
Landes | 1000 ha | 800 ha |
Blé | 300 ha | 180 ha |
Seigle | 20 ha | 14 ha |
Méteil | 20 ha | 2 ha |
Orge | 1 ha | 4 ha |
Sarrazin | 1 ha | 4 ha |
Avoine | 20 ha | 20 ha |
Maïs | 60 ha | 110 ha |
Millet | 110 ha | |
Pommes de terre | 40 ha | 80 ha |
Topinambours | 2 ha | |
Betteraves | 5 ha | 18 ha |
Châtaignes | 10 ha/350 quintaux (= 500 hectolitres |
150 quintaux |
Noix | 1500 quintaux | |
Fèves | 4 ha | |
Navets | 60 ha |
En ce qui concerne le cheptel, les changements sont tout aussi notables. En 1932, on recensait 140 chevaux, 32 mulets, 25 ânes, 350 chèvres alors qu’en 1892 on dénombrait 65 chevaux, 46 ânes, 370 chèvres. Le nombre de vaches est allé en croissant de 1892 à 1965. Inversement, pendant la période 1892-1950, le nombre de bœufs n’a cessé de diminuer. Ils ont totalement disparu après la Libération, remplacés par les vaches et les tracteurs.
Témoignage de Marthe Pestourie :
« La première vache laitière a fait son apparition à Gignac après 1918, chez Sourzil (famille Sourzat). Après la traite, Sourzil remontait le bourg avec une mesure d’un litre attachée à son bidon pour vendre le lait de ses deux vaches. C’est sa femme qui trayait. Quand elle était malade, Sourzil enveloppait sa femme dans une couverture et il la portait aux pieds de la vache ! Lui ne savait pas traire.»
Ovins | Boeufs | Vaches | Chevaux | |
1892 | 1770 | 448 | 1 | 65 |
1932 | 1078 | 230 | 200 | 140 |
1950 | 0 | |||
1988 | 838 | |||
2000 | 696 |
Les résultats du recensement agricole de 2000 montrent une diminution sensible du nombre de bovins et d'ovins, mais un triplement des volailles. Au niveau des porcins, nous constatons un pic en 1988, avec un doublement du cheptel porcin pendant la décennie 1979-1988 et une très forte chute pendant la décennie suivante.
Les résultats issus des derniers recensements illustrent la profonde mutation que subissent le monde agricole et, par voie de conséquence, une commune rurale comme Gignac.
Quelques chiffres clés |
|||
1979 |
1988 |
2000 |
|
Exploitations professionnelles Autres exploitations Nombre de chefs d'exploitation et de co-exploitants à temps complet Nombre d'actifs familiaux sur les exploitations Nombre d'actifs sur les exploitations (équivalent temps plein) |
48 45 54 204 141 UTA |
36 37 45 144 102 UTA |
27 26 28 90 56 UTA |
Superficie agricole utilisée Terres labourables Superficie fourragère Nombre total de bovins |
1348 ha 667 ha 884 ha 722 |
1386 ha 744 ha 1001 ha 838 ha |
1423 ha 690 ha 1132 ha 696 ha |
Âge des chefs d'exploitation et des co-exploitants : - moins de 40 ans - de 40 à 55 ans - 55 ans et plus |
17 37 40 |
21 21 40 |
10 30 22 |