Gignac victime de la Guerre de Cent Ans

La guerre de Cent Ans est un conflit entrecoupé de trêves plus ou moins longues, opposant, de 1337 à 1453, les deux camps en présence, ceux qui prennent parti pour le Roi de France, et ceux qui sont favorables au Roi d’Angleterre.

Il faut imaginer la tour de guet (actuel clocher, sans toit) dépassant au-dessus de la frondaison des châtaigniers et les fortifications derrière lesquelles étaient retranchés les villageois. C’était une période trouble avec de nombreux brigands particulièrement redoutables. On se barricadait dans des tours pour échapper aux assauts des brigands.
L’une des trois tours de cette période présente une originalité architecturale qui parle d’elle-même : un puits est inséré dans l’épaisseur des murs, il n’était accessible que de l’intérieur. Ainsi on n’avait pas besoin de sortir pour aller puiser de l’eau. Plus tard, alors que le calme était revenu, on a pratiqué une seconde ouverture sur l’extérieur, si bien qu’aujourd’hui ce puits mural a un double accès, de l’extérieur et de l’intérieur.

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Sur cette carte des voies antiques et médiévales, sont représentés les axes gallo-romains La Rochelle-Rodez et Limoges-Cahors, et l’axe médiéval Carlux-Turenne. On comprend mieux ainsi pourquoi Gignac a été deux fois victime des guerres. Gignac présentait, pour Turenne, un intérêt stratégique. Les Anglais, depuis Carlux, ont trouvé sur leur chemin le fortin de Gignac. Pendant les guerres de religion, le duc de Mayenne venait de Périgueux et Montignac : dans son offensive contre la Vicomté de Turenne, il détruit sur sa route les villages fortifiés, en particulier Gignac.

En 1356, les anglais incendient et dévastent la région. Gignac et Tersac sont pris.
En 1369, depuis Carlux dont ils se sont rendus maîtres, les anglais lancent des incursions meurtrières sur Gignac, poste avancé de la Vicomté, sur l’ancienne voie Carlux-Turenne.
En 1399, les hommes de toute la vicomté, lassés des méfaits des anglais se regroupent à Gignac et Saint-Bonnet. Ils engagent une lutte sans merci contre l'envahisseur. De cette période daterait le dicton : « Méchant comme un anglais ». Il reste de cet épisode un toponyme : la Bombarderie. L’allusion à un fait historique est évidente. Une bombarde est une machine de guerre primitive, des XIVe et XVe siècle, lançant des boulets de pierre ou de fer. Elle était utilisée pendant la Guerre de Cent Ans. La bombarderie est l’ancien nom de l’artillerie, en usage jusqu’au règne de Louis XIII. Gignac devient pendant cette période un village fortifié dominé par un donjon plusieurs fois rehaussé comme le montrent les divers appareillages de ce qui est devenu en 1987 le nouveau clocher de l’église.


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La tour-donjon : dernière surélévation (XIVe siècle)

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Bretèche de la tour-donjon ouverte sur l'Ouest (actuellement donnant sous le toit construit au XVIIe s)

Le bourg est dévasté par les bandes anglaises et reste complètement désert pendant une grande partie du XVème siècle. La population s’est enfuie en Auvergne et en Limousin. De cette période il reste la tour-donjon qui surmonte l'église.

La dépopulation vers 1360-1440, le résultat d'une guerre civile
La période 1392-1406 est particulièrement douloureuse au niveau de la "désertification" de Gignac, Saint-Bonnet et de six autres paroisses situées aujourd'hui en Dordogne, mais dépendant alors de l'archiprêtré de Gignac. Comment s’explique ce phénomène ? Des guerres ininterrompues (économique et militaire), une forte mortalité, des épidémies (la peste, en particulier) touchent Gignac et Saint-Bonnet de plein fouet. Les témoins de l'époque s'accordent sur le fait que, depuis au moins 40 ans, les Anglais courent à travers le pays, le pressurant, et même, quod pejus erat, occidendo ("ce qui était pire, en tuant"). Les trois zones les plus éprouvées dans le département du Lot sont celles de Gignac, Thégra et Gourdon.
Qui sont ces Anglais dont Gignac a gardé le souvenir dans trois toponymes : la Bombarderie, la Maison des Anglais, le Pech d’Anglé ? Deux camps sont en présence, ceux qui prennent parti pour le Roi de France, et ceux qui sont favorables au Roi d’Angleterre. Il y a très peu d’anglais venus d’Outre-Manche dans l’affaire ! Les hommes d’armes du camp anglais sont essentiellement Bordelais, Gascons, Béarnais, Agenais, Périgourdins, et même Quercynois ou Limousins de Malemort.
Dans le camp opposé, il y avait surtout des nobles du Quercy, des voisins du Rouergue, quelques Ecossais, et même des Italiens. Tous ces combattants ignoraient la langue anglaise et la langue française, ils parlaient presque tous un dialecte de la langue d’Oc. Il n’empêche que les partisans du Roi de France appelaient leurs adversaires bretons et autres anglais.
Il s’agissait en fait d’une sorte de guerre civile. Les bandes dites anglaises étaient constituées de brigands redoutés qui assaillaient les villages et s’installaient sur place après avoir chassé les habitants. Sans doute les bandes du camp anglais se sont-elles installées un certain temps dans le sud de la commune. Les habitants d’alors ont conservé le souvenir de cet événement en donnant au lieu le nom de ces brigands redoutés, d’où ces toponymes Pech d’Anglé, Maison des Anglais.

Accensements
Après l'invasion anglaise vient une invasion pacifique. Les premiers colons arrivent dès 1440, l'immigration la plus forte se situe entre 1450 et 1470. Ce sont les Seigneurs et l'abbé d'Aubazine qui furent les promoteurs du repeuplement. Nous savons que le lieu de Gignac fut l'objet d'un accensement collectif par les soins du vicomte de Turenne (indivis inférieur aux dimensions de la paroisse pour Gignac, mais ce dernier ne pouvait implanter de colons que dans sa directe, en l'occurrence le chef-lieu de la paroisse et quelques mas d'alentour). Ailleurs, dans les mas voisins, le repeuplement fut l'œuvre des seigneurs directs qui procédèrent à des accensements par mas ou groupes de mas (5 mas pour Saint-Bonnet, 10 mas pour Gignac). Le mas caractérise le plus souvent au XVème siècle un "village", un hameau rassemblant quelques maisons autour d'un patus, d'une fontaine, d'un lac à abreuver et d'un four communs.

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Premières lignes de la transaction de 1466
portant reconnaissance entre le vicomte de Turenne et les habitants du bourg de Gignac
pour raison du bien dont ils jouissent par indivis dans ledit bourg de Gignac (Archives Nationales)

L'origine des immigrants
Il faut au nouveau paysan venu s'établir en Quercy de puissants motifs : convoitise d'un terroir plus fécond que le sol natal ou bien nécessité de quitter une exploitation où les bras sont devenus trop nombreux. Ces conditions sont réunies dans les Ségalas du Massif Central, pauvres et misérables. Le Quercy apparaît à ces nouveaux paysans plus favorable à cause du froment et de la vigne. En plus, les conditions avantageuses offertes par les seigneurs Quercynois (faibles redevances, délais de paiement, exemption temporaire de redevances) durent favoriser ces migrations.

Quelques détails architecturaux médiévaux qui témoignent du passé tourmenté de Gignac (guerres, destructions, reconstructions)

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Linteau XIVe siècle

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Date de création : 23/07/2020 12:53
Catégorie : Au fil des siècles -

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