8 mai 1945
Que s'est-il passé à Gignac le 8 mai 1945 ?
A Gignac, le 8 mai 1945, les cloches se sont mises brusquement à sonner.
Témoignage d’Urbain Jarnolles, de Vielfour :
- "Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qu’il y a ? Mas, le garde-barrière, est passé :
- Il faut aller à Gignac !"
Dans le bourg c'était le délire. Une foule de curieux était venue aux nouvelles. On buvait. On chantait. Dans l'église, Jean-Louis Négret a beaucoup bu, il sonne les cloches à toute volée. Le bénitier était rempli de vin. Jean-Louis Négret, ivre-mort, est étendu sur le support sur lequel sont posés les cercueils. Roger Doublen joue des valses à l'harmonium.
Lestrade et Charles Laval le cantonnier étaient allés chercher un sapin avec une brouette dans le bois Lasfargues, près du Touron, derrière Le Chazal. Paul Brunerie plante ce résineux près du Lac de Sainte-Anne (le marronnier a été planté en 1918). Il l'arrose avec deux bouteilles de vin qui viennent de chez Gauchet et dessine une croix de Lorraine. Cet arbre existe toujours (déséquilibré par une tempête récente), à droite sur cette photo prise le 8 mai 2015 :
A Saint-Bonnet les cloches sonnent également à toute volée. L’une d’elles se fêle. Voici une photo prise ce jour-là devant l'église (remarquez la présence de l'accordéoniste et de Baptiste Pascal grimé) :
1 : Guy Chalvet
2 : André Barre
3 : Georges Dufau
4 : Josette Pascal
5 : Claude Delteil
6 : Guy Delteil
7 : Colette Jardou
8 : René Delbos
9 : Baptiste Labroue
10 : Ludovic Seignard
11 : Jacqueline Dublanche
12 : Le père Jarrige
13 : Paillet
14 : Paulette Delteil
15 : Mme Delteil 16 : Madeleine Laval
17 : Lucien Doublen
18 : Fernand Chalvet
19 : ?
20 : Louis Chalvet
21 : Joanna Régner
22 : Yvonne Régner
23 : Louis Régner
24 : Jean-Baptiste Dublanche
25 : Lucette Régner
26 : René Sol
27 : Albert Pestourie
28 : Théophile Laval
29 : Jeannette Laval Arliguie
30 : René Lajugie 31 : Yvonne Lacombe
32 : Georgette Pascal
33 : Baptiste Pascal
34 : Léon Lescure
35 : François Roubert
36 : La mère Pascal
37 : Marthe Jardou
38 : Elie Delbos
39 : Marcelle Lalle
40 : Irène Pestourie
41 : Arlie père (le Masset)
42 : Valentine Dufaut
43 : Vergne père le Masset
44 : Geneviève Leymarie
45 : Elise Arlie
Mais il y a des absents :
Etienne Louis Dalle a été tué à Hambourg (Allemagne) en juillet 1943 lors du bombardement de la ville par les Alliés.
Pierre Laval, des Genestes, a été assassiné par les Allemands, dans un champ, face à La Truffière, le 29 juillet 1944, ainsi que quatre résistants, Dufour Armand, dit Roméo, Fiacre Eugène, Gauffre Lucien et Marceau Noël. Ces quatre jeunes hommes ont été inhumés devant une affluence considérable, dans le cimetière de Souillac, et le dernier adieu leur a été adressé par un officier de leur groupe. Au moment où l’on procédait à l’inhumation de ces quatre français, un avion allemand volant très bas est passé au-dessus du cimetière.
Section FTP de Roger Lefort basée à Leygonie, à la Combe del Roc et aux Fraux
et qui a eu 4 tués et un blessé le 29 juillet 1944.
De gauche à droite : Breloque (Roger Lefort), Stalingrad, Julot, Louis, Roméo et Dédé
Armand Dufour, dit Roméo, né le 21 juillet 1924
à Aubencheuf-au-Bac (Nord)
tué à Teyssilhac le 29 juillet 1944
Un autre, Robert Chalvet, continue la guerre en Extrême-Orient. Sous-lieutenant à la Mission de Liaison Française d’Extrême-Orient où la guerre se poursuit, il rejoint Calcutta (Inde) d’où il donne pour la dernière fois de ses nouvelles le 23 septembre 1945. Volontaire pour l’Indochine, il est chargé d’une mission et est parachuté à Tchepane (Laos) le 1er décembre 1945 en compagnie de quatre collègues. Lors du parachutage, les cinq hommes sont pris dans une embuscade et quatre sont tués, dont Robert Chalvet touché à la tête. Son corps sera rapatrié quelques années plus tard et inhumé à Gignac le 18 août 1950. Il est détenteur de la croix de guerre et de la Légion d’Honneur.
Robert Chalvet
Maurice Mourlhou a été arrêté dans son village de Montagnac en mai 1943 par la police française, soumis à un interrogatoire particulièrement musclé dans les locaux du poste de police de la place Jourdan à Limoges, conduit à la centrale d’Eysses, puis déporté à Dachau-Allach où il devient le matricule 73.790. A son retour, en mai 1945, il ne pesait plus que 35 kg. Un film sur le camp où il avait été interné a été projeté dans la salle Lagarde peu après son retour. Les spectateurs n’arrivaient pas à croire ce qu’ils voyaient, ils disaient : "C’est pas possible, c'est du cinéma". Et Maurice Mourlhou est sorti en pleurant.
Tout au long de sa vie, Maurice Mourlhou a contribué au devoir de mémoire en allant raconter dans les écoles ce qu’il avait vécu, pour que les nouvelles générations sachent et n’oublient pas. Détenteur de nombreuses décorations, en particulier de la médaille militaire, de la croix de guerre avec palme et de la croix du combattant, il avait été fait chevalier de la Légion d’Honneur en 1978. Lors de ses obsèques en mars 2004, Roger Gouffault, président de la Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et patriotes (FNDIRP), a rendu hommage à ce résistant de la première heure, membre d’un groupe FTP du Lot.
Maurice Mourlhou
Parmi les Gignacois mobilisés, 26 sont absents : ils sont prisonniers de guerre. Certains de ces prisonniers ont passé cinq ans en Allemagne.
Paul Brunerie, qui plante l'Arbre de la Libération, sera amnistié le 13 novembre 1945 par le tribunal Civil de Gourdon : il avait été condamné à trois mois de prison et incarcéré à Cahors, puis à Agen, "pour avoir en 1942 et 1943, sur le territoire du Département du Lot, accompli sereinement des actes constituant des manifestations contre le gouvernement français".
Pour conclure cet article je laisse la parole à Paul Brunerie dont les propos sont toujours d'actualité :
"Voilà donc cette triste période de la Résistance que nous avons vécue, toujours fiers d'avoir aidé par nos petits moyens à la Libération de notre Pays.
Puissent les jeunes de notre époque, hélas un peu trouble, suivre le chemin des aînés que nous avons été".