Lettre de félicitations

En 1947 et 1948 le propriétaire de la Villa San Francisco, appelée La maison des Américains par les Gignacois, était à San Francisco pour régler ses dernières affaires. Absent de Gignac lors des élections municipales d'octobre 1947, il envoie au maire réélu cette lettre de félicitations et porte un regard original sur la situation économique et politique à Gignac et dans le monde au sortir de la guerre.

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San Francisco 22 - 12 - 47
Cher Monsieur Alard
Si ne vous ai pas écrit plus tôt ce n’est pas que ne pensais pas à vous mais nous avons été tellement pris chez un ou chez l’autre c’est que les parents ou les amis sont tellement nombreux que quand c’est fini d’un côté ça recommence de l’autre.
Ah oui nous sommes dans un pays d’abondance, de voir les magasins et les marchés bien garnis ça fait mal au cœur de penser à la misère de chez nous.
Ici depuis 29 les affaires ont doublé en moyenne, mais les gages ont triplé et quelquefois davantage, aussi les affaires marchent bien, les commerçants ont de l’argent, les ouvriers aussi, et tout le monde dépense et l’argent roule, la mentalité n’est pas du tout la même de chez nous. Celui qui n’a pas d’argent achète au crédit. Quand je vois des laveuses ou des frigidaires qui coûtent entre 300 et 700 dollars, en payant 20 % et le reste 25 % par mois, et tout à l’avenant.
Je vous félicite d’avoir été élu sans être sous la liste. Du reste moi je me disais si la commune vous perdait, c’est le soleil qui s’assombrirait sur la commune. Tant que vous êtes là, le monde peut dormir sur ses deux oreilles. Enfin vous y êtes et il faut espérer que ça sera encore longtemps, car, malgré votre âge vous vous portez à merveille, vous êtes comme mon frère Antoine, il est encore merveilleux et je crois que vous êtes de la Classe.
Enfin, malgré le bon temps que nous avons, nous nous préparons à retourner au vieux pays. Nous avons retenu nos places pour le 23 mars de New York sur le paquebot De Grasse, nous arriverons vers le commencement d’avril où il nous faudra recommencer à serrer la ceinture.
Et alors les communistes de Gignac ne doivent pas être contents, ni de nulle part, mais pour eux la majorité au vote n’est rien, c’est la force qu’il leur faut. Nous avons passé quelques jours que j’avais mal au cœur en me disant « Qu’est-ce que sera demain, les en-têtes des journaux avaient en grandes lettres « La France sous la domination communiste » mais le gouvernement ici a bonne presse, c’est malheureux que la Russie empêche tout arrangement, et que les communistes français l’écoutent, ils sont sous la domination Russe, pourtant le fameux Thorez sait bien que le peuple Russe est esclave derrière ce rideau de fer, et il voudrait russifier la France. Et dire qu’il y a des français qui le portent aux nues. Il faut espérer que les élections prochaines achèveront de les abattre.
Enfin je termine en vous souhaitant une bonne et heureuse année et espère vous donner la main en 48.

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Les frères Antoine et Julien Vayssié sur le toit de l'Hôtel Arlington à San Francisco en 1947

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L'Hôtel Arlington en 1912


Date de création : 10/04/2022 12:57
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